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Ars moriendi

Il y a dix ans, chez Barcial, c’était l’hiver, le temps était de circonstance, froid et d’un gris épais, une corrida de toros attendait sa féria de Vic-Fezensac. Déjà, il y a dix ans, le sentiment rageux d’un Campo Charro en décomposition n’avait pas manqué de nous prendre par le col. On comptait les élevages en déclin ou sur le point de s’y vautrer, on se lamentait de celui-là qui venait de mettre la clé sous la porte, de ce fer qui n’était plus actif, on entendait de malveillantes rumeurs sur le futur proche des Atanasio, le nez, déjà, percevait les remugles nauséabonds de la domecquisation des camadas, on passait d’une finca l’autre en tenant le livre de compte de la décadence, de la fin d’une époque, d’un héritage dilapidé. Le matadero faisait couler à flot ces vieux sangs que le « système » avait décidé de ne plus voir en bleu. 

En ce printemps 2018, la beauté des berrendos de Barcial n’arrive pas à chasser au loin la réminiscence de ce ressenti du passé. Pire ! C’est pire qu’il y a dix ans ! De rumeurs en vérités, de bruits de couloir en certitudes, le Campo Charro n’est plus que l’ombre d’un corps mourant. Demeurent les encinas, survivent les toponymes uniques, perdurent les panneaux qui annoncent cette finca historique mais dessous, mais derrière c’est le chaos du vide et de la funda. Les Atanasio sont des Domecq, la mode est aux cercados sans herbe, aux Aldeanueva de Pedraza fundés pour affronter l’hiver himalayen. Miguel Zaballos a vendu tous ses mâles à un tratante du centre du pays, victime de son encaste mais surtout des coups pourris d’empresas qui traînent ce qui leur reste d’afición comme les chaînes un condamné. On vend pour les rues parce que les peñas payent bien, on vend pour des sociétés organisatrices de spectacles de recorte garantis sans mise à mort, sans hémoglobine, sans lidia, sans mystère et sans poésie donc. 

Chez Barcial, on ne vendra pas le plus beau novillo de la camada cette année. On le garde pour en faire un cuatreño que l’on espère voir lidier à pied lors une future corrida concours d’une ville gersoise en 2019. Une novillada de quatre sera lidiée cet été non loin de là, dans un pueblo. Le reste, la majorité, connaîtra le Levante ou le recorte à Bayonne. Seul un très bas novillo défendra les couleurs du fer pour la concours de Saint-Perdon fin août. On rentre…

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